Johnny, Charles, Lionel et les autres
Lille - décembre 2017 -
A la descente du train de Paris, en gare de Lille Flandres, j’attendais mon père. Une fois le flot des passagers passé, je me retrouvai seul sur le quai. Quelques minutes plus tard je le vis arriver manteau ouvert et foulard au vent malgré le froid. Tout juste pressé.
Je fus surpris qu’il ne s’excuse à peine de son retard: "je n’ai pas vu l’heure passer, j’étais en train de regarder les cérémonies à la télé pour la mort de … ". Il voulu esquiver pour ne pas se trouver en flagrant délit de ne pas savoir dire le nom de celui qui, ce jour là, générait un immense hommage populaire.
J’insistai pourtant pour qu’il me le dise. Il tenta furtivement: « - Charles Aznavour ? » « - Mais non papa, Johnny ! » . « - Ah oui, Johnny Halliday ».
Durant le week-end, nous avons plongé dans le passé et ressorti quelques boites de ses vieilles Kodachrome. Les couleurs étaient toujours gaies. Ce qui m’a le plus étonné, c’est que, gamin, j’avais l’air heureux. Ma mère était belle en Italie. Mon père a pleuré mais il m’a dit que contrairement aux apparences il était heureux. Heureux de voir ma mère. Ensuite, nous sommes allé voir l’Angelus de Jean-François Millet au Palais des Beaux-Arts (quelle émotion !) et boire un café.

Deux semaines plus tard je demandais à mon père si il se souvenait avec qui il avait bu un café dans l’atrium du musée de Lille.
Avec un léger sourire, se doutant qu’il se trompait mais pour tenter quand même sa chance, il prononça d’une voix à peine audible: « Robert Schuman ? ».